mercredi, juin 08, 2005
Appel pour une nouvelle génération de leaders
Le double non de la France et des Pays-Bas le démontre : l’Europe a besoin de nouveaux leaders. Pour sortir de la terrible crise des idées qui la frappe.
Publié sur café babel et par Le Figaro le 13 juin.
Geert Wilders, leader du « non » à la Constitution Laurent Fabius a le sourire de ceux qui viennent d’abattre un carré d’as dans une partie de poker. Lors de sa première apparition télévisée après sa victoire au référendum du 29 mai, le leader du « non de gauche » à la Constitution annonçait avec nonchalance sa candidature aux élections présidentielles de 2007.
Sa campagne personnelle s’achève donc, logiquement, ainsi : sans appel pour une Europe sociale, sans initiative transnationale, sans conséquence politique sérieuse et véritablement européenne qui fussent, de quelque façon que ce soit, à la hauteur des « lendemains qui chantent » que le triomphe du « non » au traité constitutionnel appelait. Demeure l’instrumentalisation d’une Constitution désormais jetée aux oubliettes à des fins purement électoralistes de la part de celui qui a su parier sur le mal-être de larges couches de la population française et diviser le Parti Socialiste (PS), dont il est pourtant considéré comme le numéro 2.
Génération Fabius
Ce qui surprend dans la stratégie de Fabius, ce n’est pas tant l’indiscutable habileté du politicien que l’indifférence de l’homme pour le sort de l’Union européenne, considérée comme un moyen, un instrument pour remporter la course à l’Elysée. Leader historique de l’aile droite du PS, Fabius avait compris que le candidat socialiste des élections présidentielles de 2002, Lionel Jospin, avait perdu parce qu’il était trop modéré. Et que l’on ne pouvait profiter d’un taux de chômage désormais supérieur à 10 % qu’en agitant le spectre du « libéralisme » de Bruxelles dans une campagne dès lors dramatisée. D’où les invectives contre les « plombiers polonais » qui seraient en train d’inonder le marché du travail français (alors que, selon les estimations du Ministère du travail, les travailleurs polonais arrivés en France depuis le 1er mai 2004 ne seraient pas plus de 8 000). D’où une rhétorique digne du pire Le Pen, qui fait dire à un jeune chômeur de Marseille : « On ne s’en sort pas, on ne va pas encore ouvrir l’Europe à tout le monde ».
Mais derrière ce jeu de hasard aux dépens d’une Europe à présent – et qui sait pour combien de temps ? - bloquée, il y a un problème générationnel. Fabius appartient à cette génération d’après guerre qui n’a pas connu les horreurs et les difficultés qu’ont vécu les pères fondateurs de la construction européenne : De Gasperi et Adenauer, Mitterrand et Kohl. La génération de Fabius, à laquelle appartiennent même Chirac et Schröder passera à la postérité pour avoir d’abord accouché, puis maintenu en vie un traité de Nice qui grave dans le marbre l’Europe des égoïsmes nationaux et du déficit démocratique.
Génération Wilders
Le problème est que l’Europe du programme Erasmus et d’Internet, l’Europe des nouvelles générations – privilégiées parce qu’incluses dans le projet européen – se tait. Ainsi, elle laisse le champ libre à une nouvelle classe de démagogues : moins arrogants que leurs prédécesseurs, affables, amicaux –comme le trentenaire Olivier Besancenot, porte parole de la Ligue Communiste révolutionnaire en France. Ou comme le leader néerlandais du « non » à la Constitution, le quadragénaire peroxydé Geert Wilders. Sorti vainqueur du référendum du 1er juin, Wilders, qui séduit les électeurs avec le slogan « Les Pays-Bas doivent durer », réclame le titre d’héritier de Pim Fortuyn, le très controversé leader populiste et islamophobe assassiné en 2002. Opposé à l’immigration (« Les Pays-Bas sont déjà pleins »), critique vis-à-vis de l’euro, il incarne un style jeune tout en étant autant dangereux qu’un Haider ou un Bossi. Un style qui a en tout cas payé, si l’on en juge par le score du « non » néerlandais (61,6%) et par la participation (62,8%).
Et nous ?
Mais si elles veulent dire non à Wilders et à Fabius, au populisme trendy de droite hollandais et à la néo-xénophobie de gauche française, les nouvelles générations doivent faire émerger des alternatives démocratiques et transnationales – libérales ou réformistes – à la politique de la peur. Car, aujourd’hui, l’optimisme et l’ouverture, la clairvoyance, et le courage ne sont plus représentés sur l’échiquier politique. Devant l’urgence de ce nouveau défi, café babel se propose d’être le média capable d’accueillir ce débat refondateur.
On ne saurait encore croire à une Constitution rejetée par deux pays fondateurs. Retroussons-nous les manches.
Publié sur café babel et par Le Figaro le 13 juin.
Geert Wilders, leader du « non » à la Constitution Laurent Fabius a le sourire de ceux qui viennent d’abattre un carré d’as dans une partie de poker. Lors de sa première apparition télévisée après sa victoire au référendum du 29 mai, le leader du « non de gauche » à la Constitution annonçait avec nonchalance sa candidature aux élections présidentielles de 2007.
Sa campagne personnelle s’achève donc, logiquement, ainsi : sans appel pour une Europe sociale, sans initiative transnationale, sans conséquence politique sérieuse et véritablement européenne qui fussent, de quelque façon que ce soit, à la hauteur des « lendemains qui chantent » que le triomphe du « non » au traité constitutionnel appelait. Demeure l’instrumentalisation d’une Constitution désormais jetée aux oubliettes à des fins purement électoralistes de la part de celui qui a su parier sur le mal-être de larges couches de la population française et diviser le Parti Socialiste (PS), dont il est pourtant considéré comme le numéro 2.
Génération Fabius
Ce qui surprend dans la stratégie de Fabius, ce n’est pas tant l’indiscutable habileté du politicien que l’indifférence de l’homme pour le sort de l’Union européenne, considérée comme un moyen, un instrument pour remporter la course à l’Elysée. Leader historique de l’aile droite du PS, Fabius avait compris que le candidat socialiste des élections présidentielles de 2002, Lionel Jospin, avait perdu parce qu’il était trop modéré. Et que l’on ne pouvait profiter d’un taux de chômage désormais supérieur à 10 % qu’en agitant le spectre du « libéralisme » de Bruxelles dans une campagne dès lors dramatisée. D’où les invectives contre les « plombiers polonais » qui seraient en train d’inonder le marché du travail français (alors que, selon les estimations du Ministère du travail, les travailleurs polonais arrivés en France depuis le 1er mai 2004 ne seraient pas plus de 8 000). D’où une rhétorique digne du pire Le Pen, qui fait dire à un jeune chômeur de Marseille : « On ne s’en sort pas, on ne va pas encore ouvrir l’Europe à tout le monde ».
Mais derrière ce jeu de hasard aux dépens d’une Europe à présent – et qui sait pour combien de temps ? - bloquée, il y a un problème générationnel. Fabius appartient à cette génération d’après guerre qui n’a pas connu les horreurs et les difficultés qu’ont vécu les pères fondateurs de la construction européenne : De Gasperi et Adenauer, Mitterrand et Kohl. La génération de Fabius, à laquelle appartiennent même Chirac et Schröder passera à la postérité pour avoir d’abord accouché, puis maintenu en vie un traité de Nice qui grave dans le marbre l’Europe des égoïsmes nationaux et du déficit démocratique.
Génération Wilders
Le problème est que l’Europe du programme Erasmus et d’Internet, l’Europe des nouvelles générations – privilégiées parce qu’incluses dans le projet européen – se tait. Ainsi, elle laisse le champ libre à une nouvelle classe de démagogues : moins arrogants que leurs prédécesseurs, affables, amicaux –comme le trentenaire Olivier Besancenot, porte parole de la Ligue Communiste révolutionnaire en France. Ou comme le leader néerlandais du « non » à la Constitution, le quadragénaire peroxydé Geert Wilders. Sorti vainqueur du référendum du 1er juin, Wilders, qui séduit les électeurs avec le slogan « Les Pays-Bas doivent durer », réclame le titre d’héritier de Pim Fortuyn, le très controversé leader populiste et islamophobe assassiné en 2002. Opposé à l’immigration (« Les Pays-Bas sont déjà pleins »), critique vis-à-vis de l’euro, il incarne un style jeune tout en étant autant dangereux qu’un Haider ou un Bossi. Un style qui a en tout cas payé, si l’on en juge par le score du « non » néerlandais (61,6%) et par la participation (62,8%).
Et nous ?
Mais si elles veulent dire non à Wilders et à Fabius, au populisme trendy de droite hollandais et à la néo-xénophobie de gauche française, les nouvelles générations doivent faire émerger des alternatives démocratiques et transnationales – libérales ou réformistes – à la politique de la peur. Car, aujourd’hui, l’optimisme et l’ouverture, la clairvoyance, et le courage ne sont plus représentés sur l’échiquier politique. Devant l’urgence de ce nouveau défi, café babel se propose d’être le média capable d’accueillir ce débat refondateur.
On ne saurait encore croire à une Constitution rejetée par deux pays fondateurs. Retroussons-nous les manches.
Comments:
<< Home
Cher Adriano,
ton article sur le non m'a vraiment touche et je suis tout a fait d'accord. Malheureusement, il y a aussi pas mal de cons parmis les jeunes pro-europeens, qui eux jouent la 'carte europeenne' pour acceder au pouvoir comme le font les anti-euros, anti-immigration, anti-enlargissement ...
La solution? L'education! peut-etre sous la forme des 'Ecoles Europeennes' tout comme le 'United World College', et une participation a la vie publique et politique des l'adolescence, voir l'enfance.
Qu'en penses-tu?
Tres cordialement,
Julia Hieber, Oxford
ton article sur le non m'a vraiment touche et je suis tout a fait d'accord. Malheureusement, il y a aussi pas mal de cons parmis les jeunes pro-europeens, qui eux jouent la 'carte europeenne' pour acceder au pouvoir comme le font les anti-euros, anti-immigration, anti-enlargissement ...
La solution? L'education! peut-etre sous la forme des 'Ecoles Europeennes' tout comme le 'United World College', et une participation a la vie publique et politique des l'adolescence, voir l'enfance.
Qu'en penses-tu?
Tres cordialement,
Julia Hieber, Oxford
Chère Julia
Merci. C'est clair que ça passe par là: par une éducation, des médias, des partis et une société civile européenne !! Allez, il faut le faire, tout n'est pas perdu!
Merci. C'est clair que ça passe par là: par une éducation, des médias, des partis et une société civile européenne !! Allez, il faut le faire, tout n'est pas perdu!
Ton texte a beaucoup de mérites... surtout en ce qui concerne l'appel final que je partage aussi !
Giuliano Gennaio, Roma
Giuliano Gennaio, Roma
Dear Mr. Farano,
considering the very diversified No-campaigns, the coalitions of extremes gaining locking majorities, i think about the so-called Weimar Republic
(1919-1933) in Germany. Today, we would have few Jews, but many Muslims to sacrifice. Mr. Fabius should be remembered to this story and her consequences, and indeed, Mr. Blair should also.
Sincerely
Hans-Peter Geissen
Koblenz, Germany
considering the very diversified No-campaigns, the coalitions of extremes gaining locking majorities, i think about the so-called Weimar Republic
(1919-1933) in Germany. Today, we would have few Jews, but many Muslims to sacrifice. Mr. Fabius should be remembered to this story and her consequences, and indeed, Mr. Blair should also.
Sincerely
Hans-Peter Geissen
Koblenz, Germany
Thank you very much for your e-mail
I think such a parallel is not exagerated at all if you refer yourself to the political context.
Just think also about the current splitting in German or French socialist groups with Oskar Lafontaine initiative and Laurent Fabius non.
History can repeat itself...
I think such a parallel is not exagerated at all if you refer yourself to the political context.
Just think also about the current splitting in German or French socialist groups with Oskar Lafontaine initiative and Laurent Fabius non.
History can repeat itself...
Adriano,
Je vais peut-être poser une question simplette et "légère". Je m'excuse d'avance.
Je suis d'accord avec ton appel, mais j'aimerais que tu m'expliques de quoi est ce que cette "nouvelle génération" dont tu parles est/sera le "leader" ?
En d'autres termes, il faut de nouveaux leader - très bien -, mais cela n'oblitère pas la question de la légitimité de ces leaders. Leader de quoi ? avec qui ? autour de quels enjeux ? selon quels critères et devant quels autels ?
Je pose volontairement ces questions simplistes pour souligner le fait que les discours ne doivent pas, une fois de plus, se substituer à l'action et à l'imagination. Rien n'est fait.
Je crois que la pire des réactions qui pourrait avoir lieu avec cette poussée démocratique serait de l'inscrire immédiatement dans l'Histoire. La considérer comme étant déjà un sursaut, quelque chose de potentiellement salvateur.
Tu l'as bien dit, retrousser ses manches ... voilà bien le seul conseil digne de confiance aujourd'hui et ce, pour quelques années encore !
Bien à vous,
Aurélien
Enregistrer un commentaire
Je vais peut-être poser une question simplette et "légère". Je m'excuse d'avance.
Je suis d'accord avec ton appel, mais j'aimerais que tu m'expliques de quoi est ce que cette "nouvelle génération" dont tu parles est/sera le "leader" ?
En d'autres termes, il faut de nouveaux leader - très bien -, mais cela n'oblitère pas la question de la légitimité de ces leaders. Leader de quoi ? avec qui ? autour de quels enjeux ? selon quels critères et devant quels autels ?
Je pose volontairement ces questions simplistes pour souligner le fait que les discours ne doivent pas, une fois de plus, se substituer à l'action et à l'imagination. Rien n'est fait.
Je crois que la pire des réactions qui pourrait avoir lieu avec cette poussée démocratique serait de l'inscrire immédiatement dans l'Histoire. La considérer comme étant déjà un sursaut, quelque chose de potentiellement salvateur.
Tu l'as bien dit, retrousser ses manches ... voilà bien le seul conseil digne de confiance aujourd'hui et ce, pour quelques années encore !
Bien à vous,
Aurélien
<< Home