mardi, août 16, 2005

 

Annus horribilis pour l'Europe

L'année qui a ébranlé le projet européen est à retrouver sur café babel. Des désillusions des nouveaux Etats membres à l'affaire Buttiglione ; des échecs de la Constitution aux attaques terroristes à Londres. Zoom sur les évènements qui ont marqué 2004-5.

Un an de remèdes inefficaces
Les bons docteurs de l’Europe avaient cru à la potion magique de la Constitution. Mais le diagnostic était erroné. C’est aujourd’hui le moment de commencer une thérapie alternative.

Les médecins craquent. Personne n’aurait pensé que la situation, alarmante, soit exactement celle-là. Chirac, Shröder et Berlusconi étaient en fait convaincus que le mal rongeant le continent était dû à un simple problème de circulation, extension à 19 pays et multiplication des voies sanguines obligent.

2005, bienvenue dans le monde réel

Mais comme bien souvent, les « médecins » de l’Europe se sont révélés être des charlatans. Non, le mal qui ronge le continent ne peut être considéré comme un simple mécanisme institutionnel à fluidifier. Il s’agit d’une souffrance plus profonde, en incubation depuis longtemps dans le cœur même de la vieille Europe. Incarné dans l’infarctus du double « non » français et hollandais à la Constitution au printemps 2005. Prouvé aussi par le plus fort taux d’abstention jamais enregistré dans l’histoire des élections européennes, lors de la consultation de juin 2004.

Cette affection cachée, ignorée, s’appelle la peur. Peur de la globalisation chez les vieux pays que sont l’Italie, la France, l’Allemagne, incapables de s’adapter aux délocalisations, à la directive Bolkestein ou à la Chine en pleine croissance. Peur de l’Islam aussi, pour des nations qui n’ont pas encore réussi à intégrer de larges pans de leur populations immigrées et qui restent victimes d’ignobles attentats ou vivent dans l’attente de ces derniers. Peur enfin d’eux-mêmes, de l’Europe, d’une Union vue comme autre, lointaine, menaçante à l’égard de la souveraineté. Ou pire encore, perçue comme cherchant à diluer leur identité propre.

L’alternative ? Elle peut partir d’un café

Cependant, le remède que les Européens doivent prendre n’a, pour le moment, rien à voir avec un quelconque choix politique entre Etat national décrépi et Etat européen multinational, timidement suggéré par la Constitution. Nous ne sommes pas prêts. La bonne thérapie doit dorénevant aspirer à vaincre cette peur, cette angoisse du lendemain dans laquelle nous nous sentons tous pris au piège.

Par conséquent, à partir de septembre, le magazine Café Babel vous proposera la « Café Thérapie », un cycle de dossiers mensuels sur de nombreux thèmes qui alimentent, à tort ou à raison, la peur des Européens. Ces dossiers seront suivis de débats réels dans les cafés et divers lieux de rencontre des capitales européennes où sont implantés nos correspondants. L’objectif ? Proposer à l’Europe la seule thérapie valable contre la crainte : celle du dialogue international entre des Européens de pays et cultures différents, concernés par les défis. Après l’annus horribilis qu’a vécu l’Europe, nous changeons de méthode. Seule la discussion peut vaincre la peur.

 

Le 14 Juillet, funérailles de la République

Vous l'aurez sans doute déjà lu sur www.cafebabel.com mais je vous le repropose quand même ici...

Cette année, la fête nationale du 14 Juillet a pour les Français un sacré goût de camembert moisi. Pour la première fois, sur les rives de la Seine, la question est sur toutes les lèvres : qu’y-a- t-il à célébrer ?

Poursuivis par la « poisse »

Bien sûr, « l'important, c’est de participer ». Mais l’échec cuisant de la candidature de Paris à l’organisation des JO 2012 a laissé des traces, amenant le pourtant très policé Monde à parler de « poisse ». Car le fiasco olympique fait suite à la débâcle référendaire du 29 mai lorsque 55% des Français ont voté contre le projet de Constitution européenne. En filigrane de ce rejet, une méfiance vis-à-vis de l'élargissement de l’Union aux pays de l'Est, invasion fantasmée de « plombiers polonais » et plus généralement, un refus d’ouverture à un monde extérieur jugé hostile.

De Le Pen au voile islamique : le Triannum Horribilis

Cependant, le « déclin » de la République ne s’inscrit pas seulement dans l’actualité récente. La sentence s'impose lentement à un pays qui, en 2002, a vu arriver au deuxième tour de son élection présidentielle Jean-Marie Le Pen, leader de l'extrême droite ; en 2003, s’est opposé à l’intervention en Irak, n’en retirant qu’isolement et mortification diplomatique ; en 2004, a interdit le port du voile islamique dans ses écoles, point d’orgue d’un divorce consommé entre l’Etat et ses 5 millions d’habitants musulmans. Un pays qui, plus que d’autres, subit de plein fouet la crise inéluctable de l’Etat-Nation auquel il a donné naissance en 1789. Le 14 juillet est aujourd’hui célébré avec force parades militaires et feux d'artifice. Un Etat-Nation que la France pourrait dorénavant enterrer. Parce que la fête nationale, cette année, ressemble plutôt à des funérailles.

Ailleurs aussi

Mais ce 14 Juillet devrait être le jour de deuil de tous les Etats-Nations européens. Celui d’une Italie entrée officiellement en récession. D'une Allemagne qui frôle les 5 millions de chômeurs. D'une Grande-Bretagne frappée, comme l'Espagne, par des attentats perpétrés par des groupes qui se moquent des frontières. Et c’est bien là le cœur du problème. Les défis politiques actuels ont tous une dimension transnationale : de l'immigration au terrorisme, du chômage à la croissance. Il faut donc lutter de façon transnationale. Dans ce contexte, l'Union européenne peut et doit représenter un forum institutionnel mais aussi un mode de pensée. Pour trouver des solutions à la mesure des problèmes auxquels nous faisons face. Pourrions-nous déjouer plus d’attentats si nous disposions d’une « CIA européenne » ? Puisque les frontières sont désormais communes avec les accords de Schengen, pourquoi ne pas réfléchir à une politique d'immigration coordonnée ? Et comment combattre l'inflation, le chômage, la stagnation économique à un niveau national si la monnaie est unique ?

Toutes ces interrogations tendent vers une seule réponse : il faut dépasser le modèle national, symbolisé par l’épuisement de la France. Un modèle dont il vaut mieux hâter la fin si nous ne voulons pas nous résigner au déclin.

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