lundi, mai 30, 2005

 

Le vote de toutes les peurs

C’est un vote dicté par la peur, celui de dimanche 29 mai. La peur de l’étranger, du plombier polonais, des délocalisations. Un vote irrationnel aussi car ce n’est pas en votant « non » que le malaise social français sera parti.

Mais ce qui est le plus dur à accepter pour quelqu’un qui dans ce pays vit et habite, travaille et discute, c’est que ce vote a vu converger dans une parabole décadente l’extrême droite la plus xénophobe avec la gauche la plus conservatrice. C’est le triomphe de toutes les peurs, l’épiphanie d’un nombrilisme arrogant et inconcluant.

Mais comment a-t-on pu en arriver là ? La faute aux Français, bien sûr : c’est du moins la consolation de la démocratie, on connaît les coupables… Ces mêmes Français qui déclaraient, à la sortie des urnes, avoir voté « non » en masse sans penser à la situation européenne mais uniquement au malaise national. Un problème culturel, donc : celui d’arriver à se permettre le luxe de prendre l’Europe comme bouc émissaire.

Mais cette erreur, la France va le payer cher, très cher. Dimanche soir, le Pays des Lumières sort de l’histoire. Cela a été un long chant du cygne. De puissance mondiale à puissance moyenne, la France est aujourd’hui un pays impuissant qui ne s’assume pas. Un pays qui en veut à l’Europe parce que Bruxelles veut imposer compétition et dynamisme, qui veut garder ses privilèges et son 10% de chômeurs, qui préfère pauvreté à flexibilité, préférence nationale à ouverture cosmopolite, repli sur soi à une aventure européenne qui restera bloquée, maintenant, pendant des années.

Hier soir à Paris, il pleuvait des cordes. Que la catharsis commence…

Comments:
Ça m'aurait étonner que tu ne continues pas de verser dans la PEEEUUUURRR. Depuis le début de la campagne, tu n'as que ces mots à la bouche: peur et frilosité.
C'est l'un des blogues où l'on parle le plus de J-M. Le Pen (en l'associant bien honteusement avec ATTAC par manque de connaissance des réalités et/ou par mauvaise foi).

La contestation d'un modèle européen libéral qui ne convient pas aux Français (pour 40% d'entres eux -sondage de sortie des urnes) n'est synonyme ni de conservatisme ni de xénophobie. On a demandé aux Français de légitimer (constitutionnaliser) cette idéologie dont ils ne voullaient pas, car elle nourrit le malaise social, pas de se prononcer pour ou contre les Polonais. Ils ne se sont pas prononcés contre l'Europe, mais contre une vision de l'Europe. Le débat doit rester ouvert, sans se laisser enfermer dans la démagogie populiste des déçus du référendum.

Les Français ont dit NON, d'après toi ils n'en avaient pas le droit, ils n'ont rien compris: à bas la démocratie.
Ton post est très revanchard et est insultant vis-à-vis du suffrage de la population.: "la faute aux français" "ils vont le payer très cher"...ton discours est davantage celui d'un supporter de football à cours d'arguments.

Aucun recul, aucune analyse, aucune remise en question des partis, des médias, des institutions... Seulement une mise en accusation de ceux qui ont exprimé la volonté populaire, qui ont choisi de dire NON.

"La France est sortie de l'Histoire": ça fait un peu beaucoup! Va t-il pleuvoir pendant 40 jours et 40 nuits? La Terre sera t-elle désaxée?

Cyrille
 
Cher Cyrille,

tu n'as aucune idée de la gravité de ce vote. Les Français sortis des urnes déclaraient aussi que les considérations de politique inetrne ont primé sur les considérations européennes.

Populiste, moi ? STP ! J'ai du respect pour le vote et je considère que le suffrage universel a le mérite de montrer qui décide : le peuple. Eh bien ce même peuple s'est trompé, je peux le dire ? Je ne me sens plus très bien dans ce pays...

Un pays qui dit réfuser le "modèle libéral" (vous me faites rigoler avec ce misunderstanding d'un gros bout de culture occidentale que vous jetez aux orties) et préfèrer le "modèle" du 10% de chômage, d'une caste de privilégiés qui a peur de perdre ses privilèges...

Et penser, qu'il suffirait peu, très peu - quelques réformes - pour sortir la France du Vingtième siècle... Et non ! Vous voulez y rester, vous avez PEEEEUUUR - c'est ça, avec le 'r' roulé des Ritals qui vous volent vos emplois : peur du futur, peur de la modérnité et - surtout - AUCUNE IDEE de comment réformer votre pays.

Heuresement, que tout le monde n'est pas comme ça. Heuresement qu'il y a parmi les militants no-global des gens ouverts, comme toi, avec lesquels j'ai plaisir à discuter, ouverts - mais qui sont tombés dans le piège du vétéromarxisme de leaders recyclés rejetés - pas à 55% - par l'Histoire. Ouvrez-vous, débattez, soyez inventifs ! Ce n'est qu'à ce prix que vous serez crédibles : peut-être sera-t-on encore en désaccord... mais au moins on parlera la même langue... Car là, ce débat, cette campagne - ancrée dans le passé et dans l'idéologie - ne fait qu'archiver le fédéralisme dans les placard de notre temps.

Il vous reste Nice, il vous reste Bush, il vous reste Sarkozy. Consolez-vous !
 
Ton sentiment de ne plus trop comprendre les français (tu exagères peut-être encore quand tu dis ne plus te sentir bien en France) parce que tu as un avis minoritaire n'est pas si grave tu sais. C'est ce que ressentent quotidiennement les individus qui ont des idées "non orthodoxes" sur plein de sujets. Parfois ils se réunissent et tentent de construire ensemble des alternatives:

du 16 au 19 juin au Forum Social Méditerranéen à Barcelonne

dans toutes les initiatives qui seront prises lors du Conseil Européen des 16 et 17 juin, et notamment lors du rassemblement à Bruxelles le vendredi 17 juin "pour la justice fiscale et les taxes globales, contre les paradis fiscaux et judiciaires"

du 2 au 6 juillet lors du Contre Sommet du G8 en Ecosse

Les initiatives entre les populations européennes n'auront pas attendu (feu?) le traité établissant une constitution. Tu participes à un un webzine européen, je participe à un journal alternatif désormais franco-allemand, "Kactus", les échanges continuent. Des défis tant civilisationnels qu’environnementaux nous attendent, l’avenir de plus de 450 millions de femmes et d’hommes ne doit pas être entravé par une Constitution qui "graverait dans le marbre" les dogmes néo-libéraux (encore une fois on peut-être pour ou contre ce système économique, la question n'est pas tranchée).

Pour ce qui est du traité de Nice, contenu dans la partie III, il a été expressément rejeté par le suffrage universel dimanche. Attendons les ratifications des autres pays, et renégocions le traité de Nice puisque de toute façon le fait d’avoir soumis aux peuples européens un projet de Constitution à ratifier implique, d’ores et déjà, pour tous les Etats signataires, d’avoir admis, en fait et en droit, la péremption du traité de Nice. Sans quoi ils n’auraient pu initier ce projet de Constitution, ni le signer. Le traité de Constitution et le Traité de Nice (que les organisations syndicales et politiques dénonçaient déjà à l'époque, réunies à Nice même) sont remis en cause.

Ceux qui ont concentré le débat sur le terrrain national sont les partisans du OUI et l'extrême-droite. Comme je l'ai détaillé ici http://www.blogger.com/comment.g?blogID=12623430&postID=111711875261415502
Jeudi 26 mai, François Hollande reconnaît que « si Chirac avait mis en jeu sa fonction, le PS aurait appelé à voter NON ». Déconsidérant totalement la dimension européenne?! Dans la soirée, Jacques Chirac promet « une nouvelle impulsion » dans la politique du gouvernement après le 29 mai. Enfin, les arguments du genre "la France pèsera plus dans l'Europe de demain", c'est-à-dire une pondération des voix très favorable à la France, sont tout autant franco-français, chauvinistes.

Quant au chômage, c'est un long et difficile débat à reposer dans des termes qui ne relèvent pas forcément d'idéologies passéistes, ni de "spécificités" (plutôt que "privilèges") françaises.

Cyrille
 
Mais qui est donc cette "caste de privilégiés qui a peur de perdre ses privilèges" dont parle Adriano ?
 
Aaaaaaaaah !
...... le premier message de Cyril sonne bien. Et Cyril a forcément raison quand il expose sa (votre?) position. Le problème avec les français, donc, c'est qu'ils disent bien ce qu'ils ont envie de dire même, et surtout, quand il s'agit de répondre à un référendum.

Rappelons que si l'approbation de ce traité constitutionnel avait été soumis au vote parlementaire, il serait passé avec ... oh, on pourrait diagnostiquer 70 à 80 % ... comme dans beaucoup d'autres pays.

De toute façon, indépendament du résultat de dimanche, c'est la bankroute de la classe politique nationale qui doit retenir l'attention (euh, ce n'était pas déjà le cas en 2002 ?).

Alors le problème, c'est que ce n'est pas pour cette raison qu'on était appelé à voter ...

Quand au kaléidoscope des partisans du non, je suis bien embetté parce qu'ils n'apporteront rien de nouveau ... ah si ... j'allais oublier les alters ! ils sont bien les alters ... sauf qu'ils sont bien loin de pouvoir opposer une politique aussi cohérente que cette fameuse politique libérale. Dès lors, il faut s'attendre à ce que cette étincelle de réflexion sur l'Europe, après de bonnes vacances à ... Nice, par exemple ... revienne en septembre sur la scène politique avec un goût prononcé de conservatisme, de populisme, de nationalisme et une belle touche d'ignorance ...

Une journaliste libanaise disait dans je ne sais plus trop quel numéro du Courrier International "l'homme est l'ennemi de ce qu'il ignore" ... 2005 - 2007, 2 ans de plus pour ignorer, oublier ... heureusement que nos acteurs politiques le savent, eux !

De plus, il faut bien faire la part des choses : l'Europe a tout de même gagné une bataille, celle de mobiliser le peuple français sur une cause politique (là ou les acteurs politiques nationaux échouent et s'enterrent un peu plus à chaque fois).
Par contre, la France va avoir du mal maintenant à aller négocier et défendre sa position quant à la distribution de l'enveloppe budgétaire des fonds de cohésion sur la période 2007 - 2013 ... (rappelons que les fonds de cohésion et les FEDER ont pour vocation de permettre un nivellement par le haut des situations sociales des différents pays de l'UE) ... ça, c'est probablement perdu ... d'un autre côté, la France ne veut déjà plus augmenter sa part du PIB accordée à l'Europe (1 % alors ... ?) ... donc on y perdrait moins ... ? ça sent le sapin tu ne trouves pas Cyril ?

Non franchement ce vote du non n'est pas cohérent et ne correspond pas à un projet quel qu'il soit !

Alors parler de peur, ce n'est pas tout à fait vrai .. il faudrait plutôt parler d'angoisse. Parce que les citoyens ont voté contre un spectre dont ils ont du mal à définir les contours (pour preuve la diversité des partisans du NON). De Villiers a dit et répété : on a tous une bonne raison de voter non ... n'est ce pas ?

Les partisans du non n'ont peut être pas tort (laissons l'empreinte historique à l'histoire et n'oublions pas que l'histoire se répète) mais il va falloir que vous bossiez, que vous besogniez, que vous trimiez, que vous vous sortiez les tripes pour avancer rapidement quelque chose qui tient la route parce que sinon, le pire est à craindre désormais.

La notion d'héritage qui est au coeur de toutes ces tensions (qu'est ce qu'on garde, qu'est ce qu'on protège ...) n'a aucun sens à l'autre bout de la planète ou l'industrie et le commerce fleurissent ... on peut toujours muséifier nos villes, transformer les usines en centre d'animation et reconvertir les ouvriers au maraichage, ce n'est pas ça qui apporte de la richesse (au sens capitaliste du terme) et bien que la richesse ne soit pas synonyme de bien être, et ben il en faut !!!

Enfin, pour finir, moi aussi, je commence à me sentir un peu mal à l'aise dans ce beau pays ...

Bonne journée !

Aurélien
 
Rendez-vous demain après-midi sur cafebabel.com, rubrique caféine... Titre: "appel pour une nouvelle générationde leaders"
 
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