jeudi, février 09, 2006

 

Liberté et respect de la loi : Brice Couturier répond

Je publie la réponse de Brice Couturier, l'animateur de Cause Commune, à l'auditeur qui avait comparé mes propos à ceux "des pires politiciens de la Lega" ou aux "années Trente de l'Europe", en le remerciant pour ce que, de nos jours, il faut désormais qualifier de véritable "courage" et non pas de normale déontologie professionnelle :

"Monsieur,

J'ai pris bonne note de vos observations. Etes-vous choqué lorsque les historiens de l'Allemagne parlent "d'immigration protestante" dans leur pays, au XVII° siècle, suite aux persécutions subies dans le nôtre après la révocation de l'Edit de Nantes ?
Dans le contexte actuel, précisément, je n'ai pas envie de pratiquer mon métier de journaliste sous la menace. Mes invités sont libres de leurs propos et je n'ai nulle intention de les censurer aussi longtemps qu'ils respectent les lois de notre pays. Et seulement celles-ci.

Brice Couturier"

vendredi, février 03, 2006

 

Mahomet ou Voltaire

Faut-il se résigner à penser que la culture musulmane est inconciliable avec la modernité et l’esprit critique ?
Hier soir, j’étais l’invité de Cause Commune, sur France Culture, pour parler de « médias européens » au moment où cafebabel.com fête ses 5 ans. Pour expliquer la nécessité de tels médias continentaux j’ai mis l’accent sur une constatation à mon avis évidente : « les défis auxquels sont confrontées nos sociétés européennes sont communs : on a tous la même monnaie, on a tous la même frontière Schengen pour gérer l’immigration ; on a tous les mêmes problèmes de gestion de l’immigration musulmane ».
Un auditeur m’a écrit aujourd’hui pour me retorquer « la niaiserie et le côté odieux de cette remarque qui nous rappelle les déclarations des pires politiciens de la Lega » car « l'on pas besoin forcément de l'Europe pour comparer les différentes gestions (de l’immigration) » et que « cette façon de mettre en exergue l'immigration musulmane nous rappelle aussi les merveilleuses années 30 de l'Europe et en outre qu'une grande majorité des gens d'origine musulmane d'Europe ne sont plus des immigrés mais des citoyens européens à part entière ».
Je suis amusé par cet irremplaçable rêve de se voiler la face que beaucoup, en Europe, continuent à caresser au sujet de la gestion de l’immigration musulmane – rêve qui tourne au cauchemar pour la sécurité (émeutes dans les banlieues), la vie (meurtre de Theo Van Gogh), l’ordre public (attentats de Paris, Londres et Madrid) de nos concitoyens – chrétiens, athées ou musulmans d’ailleurs.
En France, en plus, au syndrome de l’autruche s’ajoute une sophistication de la rhétorique et, a fortiori, de la langue qui entraîne une série désormais illimité d’expressions « tabou » et « politiquement incorrectes » qui renforcent un climat intellectuel auquel ni moi, ni a fortiori un magazine 100% européen n’entendons nous plier.
Venons au cœur de la question de la « gestion de l’immigration musulmane » : est-il possible qu’on n’y voie pas un problème commun aux sociétés européennes ? Peut-on penser vraiment que la proximité géographique, culturelle et juridique (vu qu’on partage le même espace de circulation des hommes appelé Schengen – le Canada n’y fait pas partie que je sache…) des pays européens ne soit pas un élément commun qui doit nous induire à aborder ce problème du moins en nous concertant ?
Quand je me réfère à la gestion de l’immigration musulmane, en plus, je ne vise pas la gestion d’une immigration – il paraît – réussie comme celle dont a du faire partie cet auditeur de France Culture qui dit avoir 53 ans et « être européen bien avant que [je] vienne au monde ». Mais son mépris pour la liberté d’expression qui l’amène même à clôre son e-mail sympathique avec un très poli « Je n'ai pas envie de vous saluer » (sic), me fait douter de son appartenance à une communauté de valeurs européenne qui demeure, à mon avis, parfaitement incarnée par cette phrase de Voltaire qui clôt l’article de Chris Yeomans que nous publions aujourd’hui sur les desseins sur Mahomet publiés par la presse européenne : «je ne suis pas d'accord avec un mot de ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour votre droit de le dire».
Brice Couturier, l’animateur de l’émission qui répondait à ma phrase, avait raison à parler du « codage intellectuel et idéologique qui est différent d’un pays à un autre » comme d’un problème pour la merveilleuse aventure des médias européens. Tant qu’on aura ces auditeurs, tout sera difficile.

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